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Insuffisance professionnelle et faute

 

Si l’insuffisance professionnelle et la faute constituent des motifs de licenciement, les deux notions ne doivent pas être confondues.

La jurisprudence précise à cet égard que «l’insuffisance professionnelle peut être définie, comme l’incapacité objective, non fautive et durable, d’un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé".

En effet, l’insuffisance professionnelle ne présente pas un caractère fautif, de sorte que lorsque la motivation de la lettre de licenciement repose sur une insuffisance professionnelle qualifiée par l’employeur de fautive, voire de faute grave, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La faute, qu’elle soit grave ou non, relève, elle, du registre disciplinaire.

Le licenciement pour motif disciplinaire obéit à des règles de procédure plus strictes que le licenciement pour insuffisance professionnelle.

 

La première et la plus sévère d'entre elles, est liée à la prescription de deux mois qui nécessite de sanctionner rapidement les faits fautifs dès qu'ils sont connus (la prescription est acquise au-delà de 2 mois à compter du jour où l’employeur a eu connaissance des faits, sauf lorsqu’ils ont donné lieu à l’exercice de poursuites pénales.)

Aussi, quand les choses ont un peu trainé, il est alors tentant de masquer la nature disciplinaire du licenciement en lui donnant la qualification de licenciement pour insuffisance professionnelle.

 

C’est ce qu’a vraisemblablement tenté de faire la société ATOS ORIGIN dans le cadre de cette affaire et qui est censuré par la Cour de Cassation.

 

La Cour d’Appel avait validé la stratégie de l’employeur et, corrélativement, le licenciement en relevant que le salarié faisait montre d’un comportement de «défiance», «délibérément négatif», en s’illustrant par ses «critiques systématiques à l’égard de sa hiérarchie» et teinté d’une «ironie visant à déstabiliser sa hiérarchie».

Dès lors pour les juges d’appel, le salarié cadre de haut niveau, bien qu’ayant de bons résultats par ailleurs, pouvait être licencié pour son « insuffisance professionnelle » et son « manque de professionnalisme », compte tenu de ce comportement et il importait peu, que la plupart des faits aient été commis avant le délai de 2 mois d’engagement du licenciement.

La Cour de Cassation casse la décision d’appel considérant que le licenciement avait été prononcé pour des motifs disciplinaires et qu’il lui appartenait de vérifier si les dispositions applicables aux licenciements disciplinaires avaient été respectées. (Cass. soc. 15-12-2011 n° 10-23.483 F-D, N. c/ Sté Atos origin intégration).

 

La solution est logique : les règles de procédure liées aux faits fautifs ne peuvent être contournées de manière opportuniste par un recours à l’insuffisance professionnelle.

 

 

 

Validation par la Cour de Cassation du barème "Macron" 

Depuis l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, les règles d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse ont été profondément bousculées. L’appréciation du montant de l’indemnisation à accorder, laissée depuis des décennies à l’appréciation souveraine des juges du fond, est désormais enserrée dans un barème impératif.

 

Invitées à trancher des affaires de licenciements, plusieurs cours d’appel avaient choisi d’écarter le barème et de fixer des montants d’indemnisation plus généreux, car correspondant à la réalité du préjudice subi.

La Cour d’Appel de Reims en septembre 2019 (CA Reims 25-9-2019 n° 19/00003) puis celle de Grenoble en juin 2020 (CA Grenoble 2-6-2020 n° 17/04929), ont toutes deux retenu que le caractère adéquat de la réparation allouée au salarié doit être apprécié de manière concrète en considération de son préjudice et peut ainsi conduire, au cas par cas, à déroger au principe du plafonnement des indemnités de l’article L.1235-3 du code du travail.

 

La Cour d’Appel de Bourges, dans un arrêt du 6 novembre 2020 (CA Bourges 06-11-2020 n°19/00585) avait pris position en ce sens également.

La Cour d'Appel de Paris avait confirmé cette position dans une décision du 16 mars 2021 (CA Paris 16.03.2021 n°19/08721) en allouant à la salariée près du double du montant d'indemnités prévu par le barème, en se basant sur la perte de salaire mensuel brut subie par la salariée.

Dans deux arrêts du 11 mai 2022 (n° 21-14.490 et n° 21-15.247), la chambre sociale (statuant en formation plénière) de la Cour de cassation a finalement validé le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, dit « barème Macron ».

Dans ses arrêts du 11 mai 2022, la Cour de cassation considère que : 
- Le barème d’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse n’est pas contraire à l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail ;
- Le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l’application du barème au regard de cette convention internationale ;
- La loi française ne peut faire l’objet d’un contrôle de conformité à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui n’est pas d’effet direct.

 

A l’appui de sa position, la Cour de cassation considère que le droit français permet une indemnisation raisonnable du licenciement injustifié.

 

Il appartiendra désormais aux juridictions du droit communautaire et européen de se prononcer, si elles sont saisies de cette question par des justiciables.

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